C’est une manifestation qui n’était absolument pas prévue dans le programme. Elle est née d’une rencontre entre nous et le président du ciné-club de Oued Ellil, Hassen Tahri, qui faisait partie des jeunes ayant participé au premier épisode de « La Vie commune » à Redeyef en mars 2018. A la fin de la manifestation, il nous a dit : « pourquoi pas à Oued Ellil ? ». En dépit de l’absence de budget réservé à une action similaire qui aurait lieu à Oued Ellil, nous avons surmonté les difficultés, la proximité géographique aidant, nous avons surtout compté sur le bénévolat et un réseau d’amitiés pour faire en sorte que ce soit possible.

« Vie commune et cinéma » a été organisée entre le 28 juin et le 15 juillet (avec une pause d’une semaine entre les projections-débats et l’atelier d’analyse filmique, d’un côté, et l’atelier de réalisation) en partenariat avec le ciné-club de Oued Ellil, Archipels Images et Echos cinématographiques avec le soutien de la fondation de la maison des jeunes de Oued Ellil, qui a accueilli la manifestation, la fondation Euromed de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme et nos amis de Hakka Distribution.

Nous avons opté pour un principe d’organisation différent de celui de l’action de Redeyef : les ateliers d’analyse filmique et de réalisation ne se sont pas déroulées parallèlement de manière à ce qu’on ait les mêmes participants aux deux ateliers, ce qui nous a permis de travailler sur la complémentarité entre les deux volets qui nous tiennent à cœur : la lecture de l’image et sa fabrication. Les films sur lesquels on s’est arrêtés dans l’atelier d’analyse filmique avaient été montrées dans le cadre de projections-débats ouvertes au public. On a alterné projection et séance d’ateliers et certaines séances de projections-débats ont été animées par les participant(e)s à l’atelier d’analyse filmique. Quant à la programmation, présentée sous l’intitulé de « Vie commune et cinéma », elle tournait autour de la question du corps. Ce que nous entendons par « vie commune » de manière générale, c’est la représentation des rapports entre les gens habitant un même territoire : pays, ville, quartier, maison etc. Nous estimons, en effet, que les rapports entre les gens partageant un même lieu sont entre autres une affaire d’affect et de partage : le social, régi par les inégalités et des conflits de toutes sortes, est générateur de tensions émotionnelles qui peuvent en l’occurrence se loger dans la conscience des individus mais aussi dans leurs corps, traversés par toutes sortes de flux. C’est la représentation du corps du personnage dans ses dimensions sociale et politique qui était à explorer. Dans les films que nous avions choisis, le corps est souvent le lieu d’un conflit. Conflit individuel certes, mais qui a des résonances politiques se rapportant aux compromis entre l’individu et la société et à des arrangements avec la norme sociale ou la loi comme dans Withered green de Mahammed Hammad et En Attendant les hirondelles de Karim Moussaoui. Conflit avec l’environnement immédiat : la famille dans On est bien comme ça de Mehdi Barsaoui, et la ville dans Fade, de Alaeddin Abou Taleb. Fatima de Nina Khada peut se lire comme la recherche de l’image d’un corps dans les archives institutionnelles, celui de la grand-mère. Quant à la représentation de la maladie mentale dans Ce qu’il reste de la folie, de Joris Lachaise, elle est étroitement liée à une interrogation sur la théâtralité du corps et son déploiement dans les lieux où la maladie est traitée et où elle est aux prises avec des savoirs et pouvoirs multiples.

La manifestation a été clôturée par un atelier de réalisation documentaire (du 11 au 15 juillet) animé par Nina Khada, dont le court-métrage faisait partie de la programmation, et par Anissa Troudi. Trois courts métrages ont été produits, projetés et commentés le dernier jour de la manifestation (ils figurent dans la rubrique « Ateliers ».

Restitutions vidéo de débats :

Withered green animé par Amna Guellali

En attendant « les hirondelles » animé par Amel Ayachi