Est-il encore possible d’imaginer des universels partagés par toutes les cultures en vue de mobilisations communes et d’une même vision de l’avenir ? Alors que la pensée universaliste des Lumières qui a dominé depuis plus de deux siècles s’effondre sous nos yeux, les pensées post-modernes, post-coloniales et décoloniales dont se réclament aujourd’hui beaucoup de penseurs d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et issus des minorités occidentales, sont parmi les propositions alternatives les plus neuves. Certaines insistent sur l’impossibilité de construire des universaux et prônent une relativité absolue, chaque culture vivant sur ses propres valeurs, seule possibilité de survivre dans un monde dominé par l’« Occident » et sa pensée « moderniste » hégémonique. D’autres estiment plutôt qu’il est encore possible de construire des valeurs communes, mais en mettant en avant, sa propre culture, sa propre langue, sa spécificité propre, face aux cultures des pays dominants. D’autres penseurs mettent en cause ces propositions, estimant qu’il existe des « communs » entre plusieurs cultures, fussent-elles éloignées les unes des autres et que les opprimés dans tous les pays doivent affronter, en partant des mêmes universaux, des ennemis communs, quelles que soient leurs appartenances dites culturelles. Le débat entre Jean-Loup Amselle, coauteur de “En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale» et Soumaya Mestiri, philosophe tunisienne qui se revendique de la pensée décoloniale et dont le dernier livre, “Décoloniser le féminisme”, a fait l’objet d’une rencontre organisée par Sentiers-Massarib, au Columbia Global Center de Tunis, prolongera celui qui est à la fois à l’origine et au cœur de “En quête d’Afrique(s)”. Le livre qui est au centre de notre rencontre-débat a été écrit par deux auteurs, Jean-Loup Amselle, anthropologue fidèle à une pensée universaliste de gauche ancrée dans ses valeurs de justice sociale et adepte d’une pensée enjambant les cultures, et Souleymane Bachir Diagne, décolonial revendiqué et partisan d’un universel s’appuyant sur l’enrichissement par la traduction des spécificités sémantiques de chaque langue. Langues, cultures, traductions, identités, universaux, relativisme culturel, blanchitude, indigénismes et d’autres termes clefs des pensées décoloniales ont été débattues lors de cette rencontre présentée et dirigée par Hichem Abdessamad, historien et membre de l’association Nachaz-Dissonances
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