Il était prévu d’organiser, dans le cadre du projet Ciné-Sentiers Oued Ellil”,  une manifestation ayant le même intitulé en mars 2020, elle a été reportée à plusieurs repises et on pensait qu’elle pouvait avoir lieu en mode présentiel en juillet 2021 mais la situation sanitaire nous a obligé/e/s d’adopter le mode en ligne et de transformer la manifestation en un atelier.

L’option en ligne a donné lieu à une réduction au niveau de la programmation : report de l’atelier de photographie (inenvisageable en ligne) et réduction du programme de l’atelier d’analyse filmique qu’on a dû d’ailleurs adapter au format numérique. Nous avons retenu les films de deux documentaristes égyptiennes qui représentaient la part la plus importante de la manifestation prévue depuis mars 2020. Ce choix s’explique par le fait qu’on a relié la question de la démocratie à la représentation de l’invisibilité sociale, au statut minoritaire du documentaire en tant que genre, à l’invisibilité des femmes créatrices et de manière générale à l’invisibilité des femmes et à leur instrumentalisation dans des œuvres et des représentations reproduisant des schèmes de domination en vigueur d’ailleurs dans les genres fictionnels du cinéma égyptien.

Nous avons voulu éviter un type de webinaires conçus sur le modèle des masterclass et nous avons essayé de garder le format de l’atelier. De fait, les participant.e.s retenu.e.s étaient censé.e.s intervenir en prenant la parole sur Zoom et entrer en interaction avec les deux intervenant.e.s, le critique et programmateur égyptien Ali Hussein Al-Adawi et la cinéaste Nadia Kamel. L’atelier a été diffusé également en live sur Facebook.

La première séance a été consacrée à trois courts métrages de Ateyyat El-Abnoudy (Le Sandwich, Les Mers de la soif et Rêves de filles). Le modérateur de la séance, Ali Al-Adawi, a d’abord introduit le débat en explicitant le lien entre la démocratie et le genre documentaire à partir de la question de la représentation politique et artistique et plus précisément celle du documentaire de création qui est aux antipodes des stéréotypes et des visions catégorielles. La parole a été ensuite donnée à Nadia Kamel, qui nous livré un témoignage sur sa collaboration avec la cinéaste Ateyyat El-Abnoudy (elle a été assistante à la réalisation sur l’un des films programmés, Rêves de filles), puis aux participant.e.s qui ont donné leurs impressions sur les trois films programmés. L’accent a été mis sur la représentation des injustices sociales mais également sur des partis pris esthétiques forts qui sont vecteurs d’une démarche fondée sur un regard très attentif au quotidien, attention doublée d’un sens de la singularité des personnages qui leur confère une dimension existentielle très forte.

Pour ce qui est de la 2ème séance, l’introduction de Ali Al-Adawi a porté sur la place de Salata baladi de Nadia Kamel dans le paysage du cinéma égyptien des années 2000 et a comporté une reformulation de la problématique de l’atelier à partir du film dont on a débattu : un film tourné avec une caméra légère, le plus souvent portée (libération d’un dispositif lourd permettant d’ancrer la représentation dans un cadre intime), l’écriture à la première personne et l’exploration d’une mémoire familiale comme partie intégrante d’une mémoire collective dont la pluralité a été escamotée par le discours nationaliste. Nadia Kamel a pris la parole pour parler de son parcours et de son état d’esprit au moment où elle a réalisé Salata baladi (Salade maison), premier long métrage qui vient après une longue expérience d’assistanat à la réalisation auprès de Ateyyat El-Abnoudy, Youssef Chahine et Yousri Nasrallah. Les interventions ont porté sur la place de la cinéaste dans le film, sur les problématiques liées à l’écriture à la première personne et la représentation de la famille, sur l’exploration des archives familiales, le portrait de la mère, une militante communiste aux origines multiples, juives et catholiques, sur la déconstruction des représentations identitaires, la place des voyages dans l’interrogation sur le passé : le voyage en Italie et le voyage en Israël. La richesse du débat était telle qu’on a évité l’écueil du procès politique du film en raison du voyage en Israël, un voyage familial qui interroge la mémoire des Juifs partis d’Egypte en 1948 de même que le récit officiel de la fondation de l’Etat d’Israël qu’il déconstruit, au même titre que le discours nationaliste arabe.

Première séance : Ateyyat El-Abnoudy

Deuxième séance : Nadia Kamel